jeudi, juin 10, 2010

"L'attitude des salariés chinois est rationnelle" interview du journal Les Echos

Interview de Chloé Ascencio et Dominique Rey - auteurs de "Etre efficace en Chine" (mai 2010) - "Les Echos", 8 juin 2010:
Pourquoi tant de malentendus se dressent-ils entre les managers occidentaux et leurs collaborateurs chinois?
Les Chinois ont beau avoir une capacité d'adaptation impressionnante, ils gardent des racines culturelles très profondes. dès lors que l'on décrypte les fondements de cette culture, on se rend compte que l'attitude des salariés chinois est très rationnelle: elle repose sur des principes d'harmonie des relations, de réciprocité dans les échanges et de paternalisme, hérités du confucianisme.
L'organisation des entreprises locales repose-t-elle encore sur ces principes?
Les anciennes entreprises d'Etat ("danwei" ou unité de travail) qui emploient encore près de 30% de la main d'oeuvre urbaine, sont toujours dirigées par des membres du Parti communiste. l'opacité et l'arbitraire y règnent en maître. Ainsi la notion de grille de salaire y est-elle inconnue: les rémunérations sont attribuées de manière discrétionnaire par les chefs. Bien qu'en voie de disparition, ce modèle d'organisation reste la seule référence des salariés nés navant les années 1980.
Où se trouve donc la fameuse efficacité chinoise?
Pas dans les "danwei" traditionnels, dont la productivité et les performances restent médiocres. En revanche, les champions chinois tels que TCL (qui a racheté la division "tubes" de Thomson), Lenovo (qui a repris la division PC d'IBM), Haier (électroménager), Huawei et ZTE (telecoms), pourtant issus de "danwei", ont adopté un modèle radicalement différent. Hérité de la tradition légiste, qui, depuis l'Antiquité, s'oppose à l'idéal confucéen en considérant que l'homme est fondamentalement mauvais, il n'a rien à envier au capitalisme américain des années 1920. Rodées aux procédures, ces grandes entreprises ont adopté des règles de rémunération à la performance, de discipline, de contrôle et de sanction qui excluent impitoyablement les plus faibles.
Quid des entreprises occidentales?
Elles doivent compendre que la modernité chinoise est très différente de la modernité occidentale, et adapter leurs méthodes de management en personnalisant les relations, en créant une relation de confiance qui encourage les salariés à prendre des initiatives, en leur accordant le droit à l'erreur qu'ils se sont toujours refusé, en récompensant et en célébrant les réussites...Dans ces conditions, les salariés chinois - notamment les moins de trente ans qui n'ont pas connu la Révolution culturelle - seront acquis à leur cause: la nouvelle génération de cols blancs exprime en effet une forte demande de transparence, de règles du jeu identiques pour tous...et me^me de loisirs et de temps libre!


propos recueillis par Sabine Germain, journaliste